Le trouble de jouissance locatif est un concept central dans les relations entre bailleur et locataire. Il désigne toute situation où le locataire se voit empêché de jouir paisiblement de son logement en raison de divers facteurs perturbateurs.
En vertu de l’article 1721 du Code Civil, le trouble de jouissance se manifeste lorsque des éléments perturbateurs viennent entraver la vie quotidienne du locataire dans son logement, de sorte qu’il ne puisse pas profiter pleinement de son bien. Ce trouble peut se manifester sous différentes formes : nuisances sonores excessives, des problèmes structurels comme des fuites d’eau ou la présence de moisissures, ou encore des problèmes liés à l’utilisation des parties communes.
En somme, le trouble de jouissance correspond à toute entrave rendant le logement moins agréable, voire insalubre ou dangereux, à vivre.
En ce qui concerne le trouble de fait, il se réfère aux perturbations causées directement par des tiers, sans lien avec le bailleur. Selon l’article 1725 du Code Civil, le bailleur n’est pas tenu de protéger un locataire contre ce type de trouble. Toutefois, une personne ayant des intérêts économiques communs avec le bailleur n’est pas considérée comme un tiers.
Par exemple, dans un immeuble collectif en monopropriété, le bailleur doit garantir le droit de jouissance paisible du locataire et est responsable des troubles causés par un autre locataire, sauf en cas de force majeure. De plus, certains troubles comme les nuisances sonores locataire ou encore les troubles de voisinage relèvent également de cette obligation légale.
Le propriétaire du logement peut ainsi être mis en cause pour trouble de jouissance locative pour différents motifs :
- La présence d’insectes xylophages ou de champignons ;
- L’humidité et les moisissures causées par un manque d’isolation, ou une fuite d’eau non réparée ;
- Le refus de mettre le logement aux normes électriques en vigueur ;
- L’absence de chauffage et des commodités de base comme l’eau chaude ;
- La présence de substances nocives pour la santé, comme l’amiante ;
- L’entrée intempestive de votre bailleur dans votre logement, sans que vous ne lui en ayez donné l’autorisation.
L’obligation du bailleur envers le locataire à garantir une jouissance paisible du logement étant clairement définie à l’article 1719 du Code Civil, elle implique que le bailleur doive prendre les mesures nécessaires pour que le locataire puisse vivre sans subir de perturbations anormales.
Alors, dans certains cas, une réduction de loyer pour défaut ou un dédommagement propriétaire locataire peut être obtenu pour compenser le préjudice.
En cas de trouble de jouissance, il est ainsi essentiel que le locataire communique rapidement avec le bailleur pour signaler les problèmes rencontrés. Dans un premier temps, l’idéal est d’envisager une approche amiable pour résoudre les litiges efficacement.
Toutefois, si le bailleur ne répond pas dans un délai raisonnable, de deux mois, le locataire peut envisager d’autres recours, et en particulier une action en justice.
Pour une résolution à l’amiable, il est recommandé de notifier par lettre recommandée avec accusé de réception le trouble au bailleur, en lui exposant les faits de manière précise, et de lui demander un délai pour agir tout en conservant les preuves du trouble (photos, témoignages).
Si le bailleur ne réagit pas ou refuse d’intervenir, une deuxième étape peut être franchie en sollicitant un médiateur via la Commission Départementale de Conciliation afin de trouver un arrangement.
Cependant, si de telles démarches demeurent insuffisantes, le locataire est en droit de porter l’affaire devant les tribunaux pour exiger la réparation des préjudices subis. Cette procédure peut inclure des demandes de dommages et intérêts locataire, la réduction ou la suspension du loyer, et même, la résiliation du bail. La jurisprudence logement insalubre montre que les tribunaux sont favorables aux locataires confrontés à des troubles graves affectant leur jouissance paisible du logement.
Dans ce cas, il est conseillé de consulter un professionnel du droit pour obtenir un accompagnement adéquat et envisager une action en justice.
Porter l’affaire devant la justice permettra de contraindre le bailleur à la réalisation des travaux nécessaires, et éventuellement au versement d’indemnités pour le trouble subi, voire à la réduction ou à la suspension du loyer. Cette procédure, bien que complexe et parfois coûteuse, est un recours légal pour garantir les droits du locataire à une jouissance paisible de son logement.
Ensuite, concernant l’évaluation du préjudice de jouissance, celle-ci repose sur deux critères principaux :
- la démonstration d’une faute du bailleur, comme le défaut de réaliser des travaux nécessaires,
- ainsi que l’établissement d’un lien de causalité clair entre cette faute et le préjudice subi par le locataire, par exemple des moisissures dues à une fuite non réparée.
Si les dommages s’aggravent en raison de l’inaction du locataire, le bailleur n’est pas tenu responsable, même s’il existe un lien de cause à effet entre l’événement et le trouble de jouissance. L’indemnisation du locataire dépend in fine de la durée et de l’impact du trouble sur l’utilisation du bien, souvent évaluée par un expert.
Enfin, le trouble de jouissance locatif demeure un sujet d’actualité, comme en témoigne la toute récente décision de la Cour de cassation rendue le 13 juin 2024 (n° 22-21.250).
Dans cette affaire, la locataire a assigné l’AP-HP (assistance publique-hôpitaux), dépositaire d’un droit à bail sur ledit logement, en raison de nuisances sonores provenant d’une chaufferie située sous son appartement. La Cour a jugé que les troubles de jouissance étaient avérés et a confirmé la condamnation de la société Seine Ouest habitat et patrimoine (SOHP), à qui incombait la responsabilité en tant que bailleur, à réaliser des travaux de déplacement de la chaufferie pour mettre fin aux nuisances acoustiques.
Cette décision illustre la souveraineté du juge dans l’appréciation des mesures nécessaires pour faire cesser les troubles de jouissance, même lorsque cela implique d’imposer des obligations spécifiques au débiteur de l’obligation contractuelle.
En conclusion, le trouble de jouissance locatif représente à la fois une violation des droits du locataire à une habitation paisible et sûre, ainsi qu’une matière où la législation et la jurisprudence interviennent régulièrement pour assurer la protection des parties impliquées dans la relation locative.
QUESTIONS CLÉS DE L’ARTICLE
- Qu'est-ce qu'un trouble de jouissance ?
Un trouble de jouissance est une nuisance qui empêche un locataire de profiter pleinement et paisiblement de son logement. Cela comprend notamment les nuisances sonores, les problèmes structurels, l’humidité, la présence d’amiante ou d’insectes, et même les intrusions non autorisées du propriétaire.
Le propriétaire est tenu par l’article 1719 du Code Civil de garantir une jouissance paisible du logement pendant toute la durée du bail.
- Quels sont les droits et recours du locataire en cas de trouble de jouissance ?
Le locataire a le droit de jouir paisiblement de son logement pendant toute la durée du bail. En cas de trouble de jouissance, il peut entreprendre les actions suivantes :
- Tenter de résoudre le problème de manière amiable avec le bailleur.
- Envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception demandant les réparations nécessaires.
- Si le bailleur ne réagit pas, saisir la commission départementale de conciliation ou engager une action en justice pour obtenir des dommages et intérêts, une réduction de loyer proportionnelle au préjudice subi, ou la résiliation du bail.
Le bailleur est tenu de respecter cette obligation, conformément à l’article 1721 du Code Civil, de garantir une jouissance paisible en effectuant les travaux indispensables pour maintenir le logement en bon état et résoudre les troubles signalés.
Si le bailleur ne respecte pas cette obligation, il peut être tenu responsable du préjudice subi par le locataire, provoquant une éventuelle réduction de loyer proportionnelle au préjudice de jouissance subi.
- Que signifie « jouissance paisible » dans le Code civil ?
La jouissance paisible, telle que mentionnée dans l’article 1719 du Code civil, garantit au locataire qu’il peut utiliser le logement sans être perturbé par des nuisances ou des vices du logement. Cela inclut également la responsabilité du bailleur en cas de troubles provoqués par des tiers, comme des nuisances sonores dans une copropriété.
- Quels types de nuisances sont considérés comme des troubles de jouissance ?
Les troubles de jouissance peuvent être (liste non exhaustive) :
- Les nuisances sonores persistantes ;
- Les problèmes d’humidité ou moisissures ;
- La présence d’amiante, de plomb ou d’insectes ;
- Les intrusions non autorisées du propriétaire ;
- Les défauts structurels affectant l’usage normal du logement.
- Comment l'assurance habitation intervient-elle en cas de trouble de jouissance ?
L’assurance habitation peut couvrir certains dommages liés à des troubles de jouissance, tels que des dégâts des eaux. Il est essentiel de vérifier les clauses de son contrat d’assurance pour connaître les garanties offertes.
En cas de sinistre, le locataire doit suivre les démarches de déclaration auprès de son assureur.
- Que faire en cas de moisissures dans le logement loué ?
La présence de moisissures constitue un trouble de la jouissance si elle résulte d’un défaut du logement, comme une mauvaise isolation ou des infiltrations d’eau. Le locataire doit signaler le problème au bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception et demander les travaux nécessaires.
Si le bailleur refuse d’agir, le locataire peut engager une action en justice pour obtenir la réalisation des travaux, une réduction de loyer, ou des dommages et intérêts.
- Quels sont les recours en cas de privation de chauffage en hiver ?
L’absence de chauffage en hiver peut être considérée comme un trouble de jouissance. Le locataire doit immédiatement signaler la panne au bailleur.
Si le bailleur ne réagit pas, le locataire peut saisir le tribunal judiciaire pour obtenir une indemnisation ou une réduction de loyer. La jurisprudence reconnaît ce type de trouble comme un manquement grave du bailleur.
- En quoi consiste la notion de préjudice de jouissance ?
Le préjudice de jouissance correspond au dommage subi par un locataire qui ne peut pas utiliser pleinement son logement. Ce préjudice peut donner lieu à une réparation financière, comme des dommages et intérêts ou une réduction de loyer, en fonction de la gravité et de la durée du trouble.
- Le locataire peut-il être tenu responsable des troubles ?
Oui, si les troubles sont causés par un usage anormal du logement par le locataire (comme des nuisances sonores excessives ou un manque d’entretien provoquant des moisissures), le propriétaire peut engager des actions pour obtenir des réparations.
- Que dit l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 ?
L’article 6 impose au bailleur de fournir un logement décent, garantissant la sécurité et la santé du locataire, ainsi que d’assurer au locataire une jouissance paisible du logement pendant toute la durée du bail. Cette obligation complète les dispositions des articles 1719 et 1721 du Code civil.