La réforme MARL 2025 : Quel impact sur le droit immobilier ?

par | Sep 16, 2025

Le décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025 portant réforme de l’instruction conventionnelle et recodification des modes amiables de résolution des différends marque un tournant historique dans l’approche des conflits juridiques. Cette transformation structurelle du système judiciaire français redéfinit fondamentalement les relations entre les parties, leurs conseils et les juridictions, avec des implications particulièrement significatives pour les praticiens du droit immobilier.

Cette réforme, applicable depuis le 1er septembre 2025, constitue l’aboutissement d’un processus législatif ambitieux initié par la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice. Elle s’inscrit dans une démarche globale de modernisation de la justice civile, visant à désengorger les juridictions tout en développant une approche plus collaborative et efficiente de la résolution des différends.

L’évolution progressive vers l’amiable obligatoire

La réforme des modes alternatifs de règlement des litiges trouve ses racines dans une évolution législative progressive. L’article 750-1 du Code de procédure civile, rétabli par le décret du 11 mai 2023 après son annulation par le Conseil d’État en septembre 2022, avait déjà instauré une tentative amiable préalable obligatoire pour certains litiges.

Cette obligation concerne depuis le 1er octobre 2023 :

  • les demandes de paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ;
  • les troubles anormaux de voisinage ;
  • les actions relatives au bornage, au curage de fossés et canaux, aux distances de plantations ou à l’élagage d’arbres.

La sanction en cas de non-respect est l’irrecevabilité de la demande en justice, que le juge peut prononcer d’office.

Le conseil national de la médiation et la structuration des MARD

La création du Conseil national de la médiation, dont les membres ont été nommés par arrêté du 25 mai 2023, témoigne de la volonté des pouvoirs publics de structurer durablement l’écosystème des modes amiables de résolution des différends.

Cette instance, pleinement associée au développement d’une véritable politique de l’amiable, accompagne la transformation du domaine judiciaire français.

Le passage de l’acronyme « MARL » (Modes Alternatifs de Règlement des Litiges) à « MARD » (Modes Amiables de Résolution des Différends) illustre cette évolution conceptuelle. Il ne s’agit plus seulement d’offrir une alternative au procès, mais de privilégier systématiquement l’approche amiable avant tout recours au juge.

Contactez-moi

La réforme MARL : Objectifs, modalités et EEV

Objectif général de la réforme

La réforme vise à renforcer la logique de justice amiable en faisant de l’instruction conventionnelle le principe de droit commun, et de l’instruction judiciaire une exception.

L’objectif est de développer une justice plus collaborative, où le juge intervient principalement en soutien ou en garantie des droits fondamentaux, et non plus comme l’acteur central et systématique du traitement du litige.

Nouveau rôle du juge Maillet de juge en bois sur fond blanc, symbole de l'autorité judiciaire et des décisions de justice.

Le nouvel article 21 du Code de procédure civile consacre la mission du juge comme facilitateur de la résolution amiable. Il lui revient désormais de concilier les parties et de déterminer, avec elles, le mode de résolution du litige le plus approprié.

Les parties peuvent ainsi, à tout moment, choisir de résoudre à l’amiable tout ou partie de leur litige, tandis que le juge intervient de manière subsidiaire, en cas d’échec ou d’absence de coopération.

Trois niveaux d’instruction amiable sont précisés

  1. L’instruction conventionnelle simplifiée permet aux avocats de convenir librement des modalités d’instruction du dossier. Elle repose sur un accord souple et suspend la péremption. Le juge veille au respect des principes directeurs ou intervient en cas de difficulté.
  2. La procédure participative aux fins de mise en état, plus encadrée, exige une convention écrite signée par les parties assistées chacune d’un avocat. Elle détermine précisément les modalités de la procédure, y compris la répartition des frais, la communication des pièces ou encore les conditions d’extinction anticipée. En cas d’échec, le juge reprend la direction de la procédure.
  3. La désignation conventionnelle d’un technicien est formalisée. Les parties peuvent convenir ensemble du choix du technicien, de sa mission et de sa rémunération. Le juge n’intervient que si une difficulté survient (désignation, rémunération, exécution de la mission).

Renforcement des injonctions aux MARL

Le juge peut désormais ordonner, même sans l’accord des parties, la rencontre avec un médiateur ou un conciliateur. Le refus injustifié d’y participer peut entraîner une amende civile pouvant aller jusqu’à 10 000 euros. Cette mesure vise à pallier la frilosité constatée dans l’appropriation des MARL.

Une première réunion d’information est obligatoire et doit être tenue dans un cadre précis, incluant la présence possible de l’avocat ou d’un conseiller juridique et la transmission au juge de la liste des participants pour assurer le suivi.

Sécurisation des accords amiables

Les accords issus d’un processus amiable (médiation, conciliation, procédure participative) peuvent obtenir force exécutoire soit par l’apposition de la formule exécutoire par le greffe, soit par homologation judiciaire. Lors de l’homologation, le juge se limite à un contrôle de licéité et de conformité à l’ordre public, garantissant l’efficacité et la sécurité juridique.

Entrée en vigueur

La réforme entre en vigueur le 1er septembre 2025. Elle s’applique à toutes les instances en cours à cette date, sauf pour les dispositions concernant la mise en état, qui ne s’appliqueront qu’aux instances introduites après cette date.

Contactez-moi

Applications spécifiques en droit immobilier

Les litiges de voisinage : un terrain d’expérimentation

Les troubles anormaux de voisinage constituent l’un des domaines d’application les plus naturels de la médiation obligatoire. En effet, ces différends se prêtent particulièrement bien à une résolution amiable.

La médiation permet aux voisins en conflit de préserver leurs relations, élément essentiel dans un contexte de coexistence permanente. Qu’il s’agisse de nuisances sonores, d’odeurs, d’écoulements d’eau ou de contestations relatives aux limites de propriété, la recherche d’une solution négociée s’avère souvent plus pérenne qu’une décision judiciaire imposée.

Il convient toutefois d’être vigilant quant aux délais. L’obligation de tentative préalable ne doit pas retarder indûment le traitement de situations d’urgence manifeste, notamment lorsque des travaux non conformes ou des écoulements d’eau compromettent l’intégrité d’un bien immobilier.

La copropriété et les nouveaux modes de résolution

Les conflits en copropriété trouvent dans cette réforme un cadre procédural adapté à leur spécificité. nuisance immeuble - La réforme MARL 2025 : Quel impact sur le droit immobilier ?

La médiation judiciaire peut être particulièrement efficace pour résoudre les différends entre copropriétaires relatifs à l’usage des parties communes, aux charges ou aux modalités de réalisation de travaux.

La désignation conventionnelle d’un technicien, formalisée par la réforme, présente un intérêt particulier en matière de copropriété. Les parties peuvent désormais convenir ensemble du choix d’un expert en bâtiment, de sa mission et de sa rémunération, évitant ainsi les délais et les coûts d’une expertise judiciaire classique.

Cette évolution est d’autant plus pertinente que les litiges de copropriété impliquent souvent des questions techniques complexes nécessitant l’intervention d’experts spécialisés. La procédure conventionnelle permet une approche plus souple et plus rapide, adaptée aux enjeux économiques et techniques de ces dossiers.

L’impact sur les contentieux locatifs

Bien que les contentieux locatifs ne soient pas directement visés par l’obligation de médiation préalable au-delà du seuil de 5 000 euros, la réforme encourage néanmoins le recours aux modes amiables dans ce domaine.

L’audience de règlement amiable, inspirée du modèle québécois, peut s’avérer particulièrement adaptée aux litiges entre bailleurs et locataires. Cette procédure permet au juge d’accompagner les parties dans la recherche d’un accord, tout en préservant ses prérogatives juridictionnelles.

Dans le contexte des impayés locatifs, la médiation judiciaire peut faciliter la mise en place d’échéanciers de paiement acceptables pour les deux parties, évitant ainsi les procédures d’expulsion longues et coûteuses.

Contactez-moi

Ce que cette réforme change concrètement pour les propriétaires

Des coûts maîtrisés et des délais raccourcis

La médiation présente des avantages économiques certains par rapport aux procédures judiciaires traditionnelles. Le coût d’une médiation varie selon la complexité du dossier, mais reste inférieur aux frais d’une procédure contentieuse, notamment lorsque celle-ci s’étend sur plusieurs années.

Par ailleurs, les délais de résolution sont considérablement réduits : là où une procédure judiciaire peut s’étendre sur 18 à 36 mois, une médiation aboutit généralement en quelques semaines ou quelques mois au maximum.

Une solution adaptée aux spécificités immobilières

Les conflits immobiliers comportent souvent des questions techniques et relationnelles qui se règlent mieux par la médiation. La possibilité de faire intervenir un expert technique choisi d’un commun accord, formalisée par la réforme, permet une approche plus souple et plus rapide des questions complexes.

Cette évolution est particulièrement pertinente pour les litiges de voisinage, où la préservation des relations futures constitue un enjeu majeur, ou pour les conflits de copropriété, où les parties doivent continuer à coexister après la résolution du différend.

Perspectives et évolutions attendues

L’extension progressive du champ d’application

La loi du 20 novembre 2023 prévoit une extension progressive de la médiation préalable obligatoire à d’autres contentieux. Les litiges contractuels de moins de 15 000 euros, les différends de consommation et certains contentieux commerciaux seront progressivement intégrés dans ce dispositif.

Cette montée en charge nécessitera une adaptation constante des praticiens et une évaluation régulière de l’efficacité des dispositifs mis en place. Le retour d’expérience des premiers mois d’application sera déterminant pour les évolutions futures.

L’évolution du rôle du juge et de l’avocat

La réforme redéfinit fondamentalement le rôle du juge, qui devient un facilitateur de la résolution amiable plutôt qu’un décideur systématique. Cette évolution s’accompagne d’une transformation parallèle du rôle de l’avocat, qui doit désormais maîtriser les techniques de négociation et d’accompagnement amiable.

Cette mutation professionnelle, loin de diminuer l’importance de l’avocat, enrichit sa mission et valorise ses compétences de conseil et d’accompagnement. L’avocat devient un véritable architecte de la résolution amiable, capable de guider son client vers la solution la plus adaptée à ses besoins.

Conclusion

L’apport essentiel du décret du 18 juillet 2025 réside dans la systématisation de l’instruction conventionnelle, la clarification des dispositifs amiables et la responsabilisation des parties dans la conduite du procès. La réforme marque un tournant vers une justice plus participative, consensuelle et adaptée aux spécificités des litiges.

Cette réforme offre l’opportunité de développer une approche plus humaine et efficace, particulièrement adaptée au domaine immobilier où les enjeux patrimoniaux et humains s’entremêlent.

Pour toute question relative à l’application de cette réforme ou à l’accompagnement dans les modes amiables de résolution des différends en matière immobilière, n’hésitez pas à prendre contact avec mon cabinet pour étudier votre situation.

Contactez-moi

Aurore TABORDET-MERIGOUX

Avocat en Droit Immobilier

Contactez-moi au 07.84.37.71.01 Consulter mon profil Avocat.fr