En matière de construction nouvelle, de travaux, le maître de l’ouvrage bénéficie de la garantie de parfait achèvement prévue à l’article 1792-6 du Code civil. Cet article permet au maître de l’ouvrage d’obtenir de l’entrepreneur la réalisation des travaux nécessaires à la levée des réserves visées lors de la réception de l’ouvrage ou signalées dans le délai imparti.
La garantie de parfait achèvement d’une durée d’un an est une garantie soumise non pas à la prescription mais à la forclusion. Cela signifie que ce délai ne peut pas être suspendu. Il ne peut être qu’interrompu par un acte judiciaire, une assignation saisissant un tribunal.
En conséquence, si le maître de l’ouvrage n’a pas saisi un tribunal dans le délai d’un an il perd le droit de demander à l’entrepreneur l’indemnisation correspondant aux travaux visés en réserves.
Forclusion et prescription : quelle différence fondamentale ?
Il est important de comprendre la différence entre délai de forclusion et délai de prescription. Contrairement à la prescription qui peut être suspendue dans certains cas prévus par le code civil, la forclusion est bien plus rigide.
Le délai de forclusion, une fois expiré, empêche définitivement le créancier (ici le maître d’ouvrage) de faire valoir ses droits en justice, sans possibilité de relevé de forclusion dans ce domaine.
Cette distinction est cruciale car elle détermine le point de départ du délai et ses modalités d’interruption, dont les conséquences juridiques sont radicalement différentes.
Un arrêt récent qui rappelle la rigueur du délai de forclusion
La Cour de cassation, dans un arrêt du 16 mars 2023, est venue rappeler ce principe avec sévérité. L’arrêt est consultable ici.
En l’espèce, un cas assez classique en matière de construction, le maître de l’ouvrage diligente une procédure devant le juge des référés pour obtenir une expertise judiciaire contradictoire. La procédure est bien initiée dans le délai d’un an suivant la réception.
La garantie de parfait achèvement est donc interrompue par cette assignation.
Toutefois, un nouveau délai d’un an recommence à courir à compter du prononcé de l’ordonnance de référé désignant l’expert judiciaire.
Or, et comme cela est souvent le cas, les opérations expertales ont duré plus d’un an. Le maître de l’ouvrage pensait que le délai de garantie de parfait achèvement avait été suspendu pendant la durée des opérations d’expertise. Il a donc attendu le dépôt du rapport d’expertise judiciaire pour assigner au fond en indemnisation de ses préjudices.
L’entrepreneur a soulevé la forclusion des demandes.
La Cour de cassation a validé ce raisonnement dans les termes suivants :
« Vu l’article 1792-6, alinéa 2, du code civil :
11. En application de ce texte, le maître de l’ouvrage dispose d’un délai d’un an suivant la réception pour agir en garantie de parfait achèvement contre l’entrepreneur.
12. Ce délai de forclusion n’est susceptible que d’interruption.
13. Pour déclarer recevable l’action de Mme [U] en réparation des désordres, l’arrêt retient que ces désordres, réservés à la réception du 28 janvier 2010, relèvent de la garantie de parfait achèvement et que, celle-ci ayant agi en introduisant une instance en référé aux fins de désignation d’un expert dès le 7 mai 2010, son action n’est pas forclose.
14. En statuant ainsi, alors que, si le délai d’un an prévu à l’article précité, avait recommencé à courir à compter de la date de désignation de l’expert le 6 décembre 2010, l’assignation au fond n’a été délivrée par Mme [U] que le 13 janvier 2014, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
Dépassement du délai légal : l’extinction définitive des recours
A défaut d’assignation au fond dans le délai de la garantie de parfait achèvement, le maître d’ouvrage est forclos et ne pourra plus agir contre l’entrepreneur sur ce fondement.
Cette forclusion entraîne l’extinction définitive du droit d’action du maître d’ouvrage concernant les réserves émises lors de la réception des travaux ou signalées dans l’année qui suit.
Cette règle stricte implique qu’après l’interruption du délai initial d’un an, un nouveau délai de même durée commence à courir. Le maître d’ouvrage doit donc rester vigilant et ne pas attendre le rapport d’expertise pour engager une action au fond, si les opérations d’expertise risquent de dépasser ce délai légalement imparti pour faire valoir ses droits.
Comment éviter ce piège juridique ?
Pour éviter cette situation, le maître d’ouvrage confronté à des réserves non levées doit :
- Agir rapidement en saisissant le juge des référés pour une expertise
- Ne pas attendre le dépôt du rapport d’expertise si celui-ci risque d’intervenir après l’expiration du nouveau délai d’un an
- Engager une action au fond avant l’échéance du délai, même si l’expertise n’est pas terminée
- Consulter un avocat expert en droit de la construction qui pourra établir un calendrier précis tenant compte du départ du délai de forclusion
Conclusion
Le droit de la construction est particulièrement difficile, je vous recommande de prendre rendez-vous avec mon cabinet dans les meilleurs délais si vous êtes confrontés à une difficulté de levée de réserves ou de défaut de conformité.